12 novembre 2006

Commentaire sur le poème de Parménide

Notes de lecture


Ce ne sont que des notes de lecture qui pour l'instant ne concernent que les premiers fragments (jusqu'au vers 51 du fragment 8).
L'originalité de ce commentaire est de voir dans la thèse parménidienne une non-dualité puisque l'être se révèle absolument simple et unique, tout comme la première hypothèse du Parménide de Platon. Et dans la forme du texte une présentation de type dzogchen.

Pour ceux qui veulent lire les post à la suite il suffit d'aller au premier puis de cliquer en bas sur : Suite au prochain post.
Commentaire sur le Poème de Parménide - premier post

Pour ceux qui veulent choisir les fragments voici les liens :
1) L'introduction dzogchen 2) (suite) 3) L'introduction parménidienne 4) La lecture du proème à la lumière du dzogchen 5) (suite 1) 6) (suite 2) 7) Fragment II - Esti 8) (suite 1) 9) (suite 2) 10) (suite 3) 11) Fragment III, IV, V 12) Fragment VI 13) Fragment VII 14) Fragment VIII 15) (suite 1) 16) (suite 2) 17) (suite 3) 18) (suite 4) 19) (suite 5) 20) (suite 6) 21) (suite 7) 22) (suite 8) 23) (suite 9) 24) (suite 10) 25) (suite 11) 26) (suite 12) 27) (suite 13) 28) (suite 14) 29) (suite 15) 30) Conclusion provisoire - la crisis 31) (suite 1) 32) (suite 2 - retour au dzogchen)

3 novembre 2006

La krisis (suite 1)

La double décision de la Déesse


Revenons sur les diverses formulations de la double décision de la Déesse à propos de quoi Parménide doit décider pour voir ensuite en quoi cela consiste.

1) Fragment II - double décision
a) « Viens donc ; je vais énoncer – et toi, prête l’oreille à ma parole et garde-la bien en toi – quelles sont les voies de recherche, les seules que l’on puisse concevoir. La première <énonçant> : « est », et aussi : il n’est pas possible de ne pas être, est chemin de persuasion, car la persuasion accompagne la vérité.
L’autre voie <énonçant> : « n’est pas », et aussi : il est nécessaire de ne pas être, b) celle-là, je te le fais comprendre, est un sentier dont rien ne peut apprendre. En effet, le non-être, tu ne saurais ni le connaître – car il n’est pas accessible –ni le faire comprendre ».

2) Fragment VI - deuxième décision
a) « Il faut dire et penser ceci : l’être est car il est possible d’être, et il n’est pas possible que ce qui n’est rien. Voilà ce que je t’enjoins de méditer.
b) « Car de cette première voie de recherche <la mention du non-être> je t’écarte,
c) et ensuite de cette autre aussi, celle que façonnent les mortels, qui ne savent rien, créatures à deux têtes. Car l’impuissance guide dans leur poitrine un esprit égaré ; ils se laissent emporter à la fois sourd et aveugle, bouche bée, foule incapable de décider, pour qui « être » et « ne pas être » sont estimés le même - et non le même, leur chemin à eux tous fait retour sur lui-même »

3) Fragment VII - deuxième décision
« Jamais, en effet, cet énoncé ne sera dompté : des non-êtres sont. Mais toi détournes ta pensée de cette voie de recherche.
"Qu'une habitude, née d'expériences multiples, ne t'entraîne pas en cette voie : mouvoir un oeil sans but, une oreille et une langue retentissante d'écho; mais par la raison, décide de la réfutation que j'ai énoncée, réfutation provoquant maintes controverses". »

4) Fragment VIII - deuxième décision
« Il ne reste plus qu’une seule parole celle de la voie <énonçant> : est » (vv.1,2 )

5) Fragment VIII - deuxième décision
« Il n’était pas à un moment, ni ne sera <à un moment>, puisqu’il est maintenant tout entier ensemble, un continu. » (vv. 5,6)

6) Fragment VIII - deuxième décision
« Je ne permettrai pas que tu dises qu<’il vient> du non-être, ni que tu le penses ; voici en effet qui n’est pas dicible, qui n’est pas pensable non plus : « n’est pas ». » (vv.7,9 )

7) Fragment VIII - première décision (variante)
« Aussi faut-il, ou bien qu’il soit entièrement, ou bien qu’il ne soit pas du tout. » (v.11 )

8) Fragment VIII - double décision
a) « La décision à cet égard repose sur ceci : « est » ou « n’est pas ».
b) Or, il a été décidé, ainsi que nécessité il y a, de laisser l’une sans la penser et sans la nommer, car ce n’est pas une voie véritable, en sorte que c’est l’autre qui est et qui est vraie. » (vv.15-18)

9) Fragment VIII - deuxième décision
a) « Rien d’autres en effet, n’est ni ne sera,
b) outre ce qui est, puisque lui, le Destin l’a enchaîné de telle façon qu’il soit entier et qu’il soit sans mouvement. Seront donc un nom, toutes les choses que les mortels, convaincues qu'elles étaient vraies, ont supposés, venir au jour, et disparaître, être et ne pas être, et aussi changer de place et varié d'éclatante couleur. » (vv.36-41 )

(Pour l'analyse de chaque fragment voir le post correspondant).
La double décision fait donc l'objet de deux passages (1,8) les autres citations concernent soit la première décision (7) soit la seconde (2,3,4,5,6,9).
La première décision consiste à poser deux hypothèses : (i) "esti" (est) et (ii) ouk esti (n'est pas). Elles sont d'abord présentées avec des modalités d'exclusion réciproque (1a) ce qui revient à les poser sous la forme d'une disjonction exclusive : ou bien esti (i) ou bien ouk esti (ii). On les retrouvera ensuite présentées ainsi (8a). Une variante (7) pose qu'il est : ou bien entièrement (i) ou bien pas du tout (ii), puisque le sujet est l'être en choisissant (i) on tombe sur le première voie et sur la troisième en choisissant (ii). (On peut aussi penser à la seconde voie à la place de la troisième car n'ayant absolument pas d'être il ne restera que le "n'est pas".)
La seconde décision consiste à prendre l'une des deux voies, puisque les deux sont exclusives on peut en choisir une soit directement (4,5,2a,9b) soit indirectement en rejetant l'autre (1b,2b,6,9a). Les deux options étant équivalentes elles sont parfois juxtaposées (8b, ).

La première voie sera choisie car elle est possible, la seconde ne l'étant pas, impensable et indicible. Toute la suite des arguments du fragment VIII montrera qu'il en est ainsi. En effet de la position de l'être résulte des caractères (comme inengendré, impérissable, tout entier, unique, sans frémissement et sans terme), qui sont à la fois compatibles entre eux et excluent le non-être.

La première décision suffit pour rejeter la troisième voie elle sera aussi effacée avec la seconde décision (2c, 3), puisqu'elle aboutir au rejet d'une des hypothèses. En l'occurrence l'absence de non-être entraîne l'absence de mélange entre l'être et le non-être. Il y a donc deux manières de rejeter la troisième voie. Soit avec la première décision soit avec la seconde. En effet le mélange sera impossible parce que les deux ingrédients du mélange ne se mélangent pas, car l'eau et l'huile ou parce que l'un des deux ingrédients fait défaut, l'eau ou l'huile. L'image est à corriger car si l'être et le non-être ne se mélange pas ce n'est pas en raison d'une simple incompatibilité comme celle de l'eau et de l'huile. L'être et le non-être ne subsistent pas l'un en présence de l'autre. L'image du feu et de l'eau serait préférable puisqu'en les mettant en présence le feu sera éteint ou l'eau évaporée. (Mais l'image est encore trop faible, car on peut imaginer le feu et l'eau subsistant chacun à une certaine distance).

La décision de Parménide doit donc comprendre cette double impossibilité des apparences, fondée sur la première décision (deux hypothèses se rejettent mutuellement) ou la seconde (une des deux est choisie).

(Suite au prochain post).

1 novembre 2006

Conclusion provisoire - la « krisis »

La crise parménidienne


La « krisis » c'est la décision ou la séparation et le verbe correspondant décider ou séparer. Voici les occurences :
1) « Jamais, en effet, cet énoncé ne sera dompté : des non-êtres sont. Mais toi détournes ta pensée de cette voie de recherche.
"Qu'une habitude, née d'expériences multiples, ne t'entraîne pas en cette voie : mouvoir un oeil sans but, une oreille et une langue retentissante d'écho; mais par la raison, DECIDE de la réfutation que j'ai énoncée, réfutation provoquant maintes controverses. » (Fr. VII, 5)
2) « La DECISION à cet égard repose sur ceci : « est » ou « n’est pas ». » (Fr. VIII, 15)
3) « Or, il a été DECIDER, ainsi que nécessité il y a, de laisser l’une sans la penser et sans la nommer, car ce n’est pas une voie véritable, en sorte que c’est l’autre qui est et qui est vraie. » (Fr. VIII, 16)
4) « Ils ont SEPARE , caractérisées de facon opposées selon le corps, et ils ont établis leur signes indépendamment les uns des autres. » (Fr. VIII, 55).

Dans la première occurence (1) Parménide est enjoint de décider de la réfutation de la Déesse (conduisant au rejet des apparences). Ensuite (2) la décision concerne le fait de poser « esti » ou « ouk esti » puis (3) le fait de décider vaut pour le rejet du « ouk esti » et l'acceptation du « esti ». C'est pourquoi nous avions parlé à ce propos de la double décision de la Déesse, qui fait déjà l'objet du fragment II et constitue le point central du raisonnement d'où sortent et vers lequel retournent les arguments. Pour terminer ce sont les mortels qui séparent deux formes.

Nous avons donc une double décision de la part de la Déesse, à propos de quoi Parménide doit prendre une simple décision. Et, du fait de leur ignorance, ce sur quoi les mortels
 on pris une fausse décision (celle d'effectuer une séparation).

Décider n'est donc pas un acte anodin. Cela engage le destin de celui qui décide. Parménide pourra ainsi suivre les traces de la Déesse ou ceux des mortels du simple fait de sa décision. Non pas par un acte de la volonté mais une reconnaissance. 


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