« Comment pourrait-il être par la suite, lui qui est ? Et comment serait-il venu à l’être ?
Car s’il est venu à l’être, il n’est pas,
La formulation est déroutante à plus d’un titre.
La première question porte sur le fait d’être (et non la naissance) dans le futur et la seconde sur la naissance (et non le fait d’être) dans le passé. Idem pour les réponses dont l’ordre est inversé (la première réponse concerne la seconde question et la seconde la première). La réponse n’est pas une simple assertion mais une implication (dans les formes avec la présence du « si »). En outre le raisonnement se révèle parfaitement circulaire car la question contient l’élément essentiel à la réponse traduit ici par « lui qui est » (eon).
Ce sera plus facile de le voir avec un exemple concret :
Q) Comment est-il possible de jouer de la guitare, sans cordes ?
R) Car si on joue de la guitare, il y a des cordes
(i) a -> b
Ce que l’on veut démontrer c’est l’impossibilité de jouer de la guitare. Le point essentiel est donc l’absence de cordes et celui-ci ne se trouve pas dans la réponse mais dans la question. La réponse reste donc incomplète sans revenir à la question, c’est seulement ensuite que l’on peut faire la contraposition du conditionnel.
(ii) non b, non a
La formulation tourne donc autour de l’absence de cordes. Et la question contient une implication implicite :
I) Si une guitare est sans cordes alors elle ne peut être jouée
non a -> non b
non a, non b
La réponse n’est plus alors que la contraposition du conditionnel de l'implication implicite contenue dans la question (c’est comme si la Déesse vérifiait la table de vérité de l’implication ou la définissait une toute première fois dans l'histoire de la philosophie).
Par ce détour la continuité du Poème est plus évidente l’absence de naissance découle de la nature du « esti » réaffirmée dans le vers précédent. La double implication implicite dans la question est la suivante (en respectant l’ordre des réponses) :
A) S’il est, (i) il n’a pas pu venir à l’être et (ii) ne peut être par la suite
Ou en se calquant sur la réponse :
B) S’il est, (i) il n’est pas venu à l’être et (ii) il ne doit pas être un jour
Les modalités ne sont pas importantes pour la compréhension de l’argument. Ce qui résulte de la position exclusive du « esti » (mais aussi des arguments précédents) c’est qu’il ne provient pas d’une naissance et qu’il n’est pas à un moment ultérieur. Pourquoi cette dissymétrie ?
On aurait pu s’attendre à :
(ii) il ne peut venir par la suite (ou il ne doit pas venir un jour)
Ou bien :
(i) il n’a pas pu être auparavant (ou il n’a pas été)
Si on s’en tient à la naissance cela voudra dire que l’être ne provient pas d’une naissance passée et ne fera pas l’objet d’une naissance futur. (Sous entendu que ce qui n’est pas né ne peut pas mourir). Si on s’en tient au fait d’être dans le passé ou le futur on retrouve le conséquent de l’implication initiale (vv.6, 7), c’est parce qu’il se conjugue au présent (intemporel) que l'être ne se conjugue ni au passé ni au futur. Les deux lectures ont l’avantage d’être cohérentes avec le discours de la Déesse et le désavantage de ne rien apporter de nouveau. Selon la première on ne fait que répéter les vers précédents sur l’impossibilité d’une naissance et selon la seconde on retombe sur l’implication initiale. Comment alors tenir compte de la dissymétrie ?
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