27 octobre 2006

Fragment VIII (suite 13)

Les liaisons sans danger entre l'être et la pensée


« C’est une même chose que penser, et la pensée : « est ».
Car tu ne trouveras pas le penser sans l’être, dans lequel est exprimé.
Rien d’autres en effet, n’est ni ne sera, outre ce qui est, puisque lui, le Destin l’a enchaîné de telle façon qu’il soit entier et qu’il soit sans mouvement.
Seront donc un nom, toutes les choses que les mortels, convaincues qu'elles étaient vraies, ont supposés, venir au jour, et disparaître, être et ne pas être, et aussi changer de place et varié d'éclatante couleur. » (vv.34-41)

L'acte de penser s'effectue au sein de l'être et ne peut se faire en dehors. Autrement dit il n'y a pas de pensée du non-être, c'est pourquoi l'acte de penser se réduit à la seule pensée possible, celle de « esti » (est).
« (...) voici en effet qui n’est pas dicible, qui n’est pas pensable non plus : « n’est pas ». » (v.8,9)

« Rien d’autres en effet, n’est ni ne sera, outre ce qui est », puisqu'il est tout entier et sans mouvement. Qu'il sera ne le projette pas dans le temps, c'est un euphémisme pour le dire impérissable. Tout comme le fait qu'il soit, le montre inengendré. Tout entier vaut aussi pour inaltérable, nous retrouvons donc les trois sortes de changement (dans le temps, l'espace et la composition). La première semble recevoir une nouvelle démonstration à partir des deux autres (inaltéré et inaltérable, il échappe à la naissance et à la mort). L'accent est mis sur sa limitation (ou son achèvement) puisque les trois changements en découlent - et plus seulement l'altération. A noter aussi une troisième occurrence d'un enchaînement qui cette fois est le fait du Destin. C'est toujours une métaphore de la double décision de la Déesse qui l'enchaîne à être et à exclure le non-être.
Par conséquent les apparences ne pourront pas faire l'objet d'une pensée ou d'un acte de penser. Car ce que les mortels supposent être (…) ne sera jamais qu'un mélange. Les apparences n'ont alors qu'une réalité nominale (car ce qui semble relever à la fois de l'être et du non-être est une illusion), non pas comme des noms qui désignent quelque chose. C'est seulement le résultat d'une saisie, ou d'une conceptualisation, des données sensorielles, qui constitue ainsi le monde des apparences. En les nommant avec des signes contraires à ceux dont elle vient de faire la démonstration, la Déesse met un terme à sa réfutation. (Nous les avions déjà mis en parallèle lors de la présentation du plan).

Que faire avec les signes de l'être et les noms des apparences ?

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