16 octobre 2006

Fragment VIII (suite 4)

Réfutation du non-être comme origine


« Quelle origine en effet chercheras-tu pour lui ? Vers où, à partir d’où se serait-il accru ?
Je ne permettrai pas que tu dises qu<’il vient> du non-être, ni que tu le penses ; voici en effet qui n’est pas dicible, qui n’est pas pensable non plus : « n’est pas ».
Quel besoin, d’ailleurs, l’eut poussé, après avoir pris son départ du néant, à naître plus tard, plutôt qu’<à naître> auparavant ?
Aussi faut-il, ou bien qu’il soit entièrement, ou bien qu’il ne soit pas du tout. » (v.6-10)

Pour comprendre l’argument il faut peut-être préciser ce qu’on entend par naissance et corrélativement par mort. C’est à la fois l’apparition de quelque chose et son développement subséquent vers une plénitude. C’est pourquoi la Déesse pose deux questions : « vers où ? » et « à partir d’où ? ».
A partir d’où :
Si l’être a une origine alors c’est à partir du non être ou bien de l’être, non pas de lui-même mais d’un autre être. L’alternative est toujours celle du fragment II, il n’y a pas de troisième terme entre l’être et le non-être ni de mélange possible. La Déesse envisage d’abord le non-être et en donne deux réfutations.
La première repose sur le caractère indicible et impensable du non-être, si on ne peut le penser et le dire on ne peut penser ou dire quoi que ce soit à son sujet, non plus qu’il soit à l’origine de l’être. Si le non-être avait une quelconque existence l’argument serait fallacieux mais ce n’est pas le cas. Le non-être n’a pas l’ombre d’une fumée d’une existence (ni une existence réelle ni un semblant d’existence), c’est pour cela qu’on ne peut rien en dire pas même qu’on ne peut rien en dire. Son nom est vide de sens ainsi que la proposition dans laquelle il s'insère car il ne désigne rien. (Platon montrera que le fait de le dire ou de dire « il » à son sujet c'est déjà lui attribuer un nombre donc une forme d'existence qu'il n'a pas).
La seconde réfutation porte sur une nécessité liée à la naissance. En effet une chose vient au monde à un moment donné et ce moment est déterminé par une ou un ensemble de cause. Si l’être vient du non-être il ne pourra pas avoir cette détermination. Donc pourquoi viendrait-il à tel moment plutôt qu’à un autre ? La présentation suggère un régressus à l’infini, si l’être vient à un moment « a » il peut tout aussi bien venir à un moment « b » antérieur au moment « a » , et pourquoi pas à un moment « c » antérieur au moment « b », et ainsi de suite. Impossible donc de trouver une origine temporelle à la naissance à partir du non-être.
Pourquoi la Déesse en conclut-elle qu’il faut ou bien qu’il soit entièrement ou bien pas du tout ? Car s’il est entièrement (au sens absolu) il échappe à l'aporie d'une naissance et aussi s’il n’est pas du tout.

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