14 octobre 2006

Fragment VIII (suite 3)

L’argument de l’intemporalité


« Il n’était pas à un moment, ni ne sera <à un moment>, puisqu’il est maintenant tout entier ensemble, un continu. » (5,6)

Le « maintenant » dont il est question n’est pas un moment temporel sinon l’argument ne vaut rien, en effet une chose qui existe à un moment donné peut avoir existé avant et pourra encore existé après. Il ne s’agit donc pas non plus d’éternité (une durée sans commencement et sans fin) sinon la Déesse dirait l’inverse de ce qu’elle dit, « il était à un moment et sera… » et non pas « il n’était pas à un moment, ni ne sera… ».
Le « maintenant » est donc intemporel mais ce n’est pas pour autant quelque chose d’abstrait, comme on pourrait le penser (à tort ou à raison) à propos de l’existence des nombres, c’est pourquoi elle ne dit pas seulement « il est » mais « il est maintenant ». Ce caractère intemporel a donc une relation avec la temporalité de notre point de vue, on ne peut l’approcher par le passé (ou la mémoire) ou le futur (ou l’imagination) mais seulement dans le moment présent. Car pour nous les choses passées n’existe plus et pas encore les choses futures (n’existe que les objets de la mémoire et de l’imagination), tout se réduit au présent. Mais qu’est ce que l’instant présent ? Qu’elle est sa durée ?

Le « esti » est « maintenant » non pas parce qu’il se réduit au moment présent mais parce que le moment présent se réduit au « esti ». (C’est donc par là que nous devons le découvrir - et non dans un passé ou un futur). Le « esti » est absolu ou sans relation avec quoi que ce soit « puisqu’il est maintenant tout entier ensemble, un continu ». Il n’est donc pas fragmenté ou dispersé, multiple ou discontinu. Autrement dit les adjectifs signifient qu’il est à la fois un et unique au sens de la simplicité de sa composition (il n’est fait que d’être) et de sa solitude (il n’y a pas un autre être en dehors de lui). Il n’y a donc aucune place ni en dehors de lui ni en lui pour quoique ce soit puisque le non être est un mot qui ne désigne rien. Pas non plus de changements possibles d’aucune sorte ni pour devenir ni pour disparaître.

Ce qui est à un moment donné ne l’était pas à un moment antérieur à sa naissance et ne le sera plus à un autre ultérieur à sa mort. C’est pourquoi si le « esti » a été à un moment donné ou sera il n’est pas au sens absolu du terme (absolu signifie sans relation).
Le raisonnement (simplifié) sera donc le suivant :
Il est maintenant, un (simple), unique donc il n'est pas à un moment donné
Qu’il soit à un moment donné est impossible
Donc il est maintenant, un (simple), unique

Ou plus précisément :
a -> b
b -> non e
e, non b
a (car la relation change : a = b)

Nous voyons déjà que les caractères d’unité (ou de simplicité) et d’unicité sont au centre de l’argumentation. (Ce seront aussi les caractères qui détermineront la nature de la première hypothèse du Parménide de Platon).

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