11 octobre 2006

Fragment VI

Voilà ce que je t'enjoins de méditer


Fragment VI :
« Il faut dire et penser ceci : l’être est car il est possible d’être, et il n’est pas possible que <soit> ce qui n’est rien. Voilà ce que je t’enjoins de méditer.
« Car de cette première voie de recherche <la mention du non-être> je t’écarte, et ensuite de cette autre aussi, celle que façonnent les mortels, qui ne savent rien, créatures à deux têtes. Car l’impuissance guide dans leur poitrine un esprit égaré ; ils se laissent emporter à la fois sourd et aveugle, bouche bée, foule incapable de décider, pour qui « être » et « ne pas être » sont estimés le même - et non le même, leur chemin à eux tous fait retour sur lui-même »

Nous avons ici la première occurrence de la thèse parménidienne telle qu’on la présente habituellement, l’être est. Le développement de la formulation du « esti » a pu se faire car l’être (« einai ») est possible, on obtient alors « l’étant est » (« eon emmenai »); par contre celle du « ouk esti » ne se fera pas car le non-être n’est pas possible.

L’être est parce qu’il est possible mais aussi parce que son contraire ne l’est pas. (Comme dans une réfutation par l’absurde ou pour effectuer la démonstration d’une thèse il suffit de démontrer l’impossibilité de son contraire). La méditation dont nous enjoint la Déesse est une sorte d’assimilation de la pensée par la réflexion et la contemplation pour provoquer une expérience. En l’occurrence l’expérience du « esti » est corrélative de la découverte de la possibilité de l’être et de l’impossibilité d’être de ce qui n’est pas. Cette découverte est une expérience au-delà de la pensée mais la pensée peut prendre appui sur des arguments pour prendre son envol et se fondre dans l'espace. Pour cela le fragment VIII en donnera davantage.

Ce fragment permet de compléter la présentation des voies (du fragment II) :
(I) « esti » + possibilité + nécessité (ou impossibilité du «ouk esti»)
(II) « ouk esti » + impossibilité + nécessité
Pas de problème pour le « esti » qui est à la fois possible et nécessaire. Par contre la deuxième voie montre clairement son absurdité en ce qu’elle affirme la nécessité d’une chose impossible.

La seconde proposition a déjà été en partie commentée (voir le second post sur le fragment II), nous y reviendrons lors du fragment VIII.

Suite au prochain post