La méthode
Après avoir fait mention de deux voies (dans le fragment II) s’excluant mutuellement, rejeté l’une en raison de son impossibilité (fragment VI), ainsi que le mélange illusoire des deux (fragment VI, VII), la Déesse énonce la conclusion : « Il ne reste plus qu’une seule parole celle de la voie <énonçant> : est » (1-2).
Non pas pour mettre un terme à son discours mais pour en recommencer un autre ou pour préciser la nature de ce « esti ». La suite ressemble à un raisonnement hypothétique à la manière platonicienne. Si on pose « esti » qu’en résulte-t-il ? La Déesse ne nomme pas le café (parfois le « si » manque) mais l’odeur et la boisson est bien du café (un déroulement de conséquences à partir d’une hypothèse). Platon développera ce procédé dialectique, en donnera les règles et une exemplification, précisément dans le dialogue intitulé Parménide.
C’est donc à la fois une présentation du « esti » (au sens d’une introduction dzogchen) et une nouvelle démonstration du « esti » ou ce qui revient au même une réfutation de son contraire. Car préciser la nature du « esti » c’est le montrer tel qu’il est sans le moindre espace pour le « ouk esti ».
Comme dans le fragment VII, le « esti » est à retenir parce qu’il est possible et que son contraire est impossible. Dire que le « esti » est possible c’est en développer des conséquences non contradictoires mais dire que son contraire ne l’est pas c’est chercher ce dernier pour ne pas le découvrir.
L’hypothèse (et ce qui en résulte) sera alors validée à la fois par les possibilités de son développement et par l’impossibilité d’un développement contraire.
Le schéma (simplifié) est le suivant :
Si a donc b
Non non b (car non b est impossible)
Donc a (car a = b)
Le discours est persuasif (non seulement parce qu'il accompagne la vérité mais) parce qu'il ne peut être réfuté. En effet la réfutation ne peut provenir que de la démonstration de non b (contraposition du conditionnel) or non b est déjà démontré impossible. Le raisonnement de la Déesse que l'on pourrait nommer « raisonnement persuasif (ou irréfutable) » doit être complété en posant a. Non pas en commettant une erreur de logique mais parce que l'implication se révèle être une équivalence. Le suivi de l'argumentation amène à une décision (krisis) ou reconnaissance .
Par exemple, le premier argument de l’intemporalité (et non de l’éternité) :
Si il est « maintenant » (a) il n’est pas « à un moment » (b)
Pour lui être « à un moment » (non b) est impossible
Donc il est « maintenant » (a)
Nous verrons plus en détail ce procédé par l’analyse des arguments.
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