31 octobre 2006

Fragment VIII (suite 15)

Semblable à la masse d’une sphère à la belle circularité


« De plus, puisqu’il y a une limite extrême, il est de tout côtés achevé, semblable à la masse d’une sphère à la belle circularité, étant partout également étendu à partir du centre.
Car il est nécessaire qu’il ne soit ni plus grand que quoi que ce soit, ni de quelque façon que ce soit plus petit, ici plutôt que là.
Il n’y a pas en effet de non-être l’empêchant de parvenir à la similitude , ni non plus il n’y a d’être tel qu’il y aurait plus d’être ici, moins ailleurs, puisqu’il est, tout entier, à l’abri des atteintes.
Car étant de tout côté égal à lui-même, c’est semblablement, qu’il touche à ses limites.
En ce point, je termine mon discours digne de confiance qui s’adresse à toi, ainsi que ma pensée sur la vérité ». (vv. 42-51)

Pour clore son discours vrai sur l'être et avant d'un commencer un autre, trompeur, sur les apparences, la Déesse nous offre l'image d'une sphère parfaite pour représenter l'être. On peut lire le passage parallèlement aux vers 22-24 (voir le post Suite 10) puisqu'il s'agit à nouveau d'une démonstration des caractères positifs. Ce retour montre à sa manière l'importance de ceux-ci.

A nouveau la limite est associée à l'achèvement. Pour la pensée antique quelque chose d'inachevé est en manque d'une limite. Comme nous l'avions déjà relevé il ne faut pas confondre cette limite positive avec une limitation. L'être est illimité, sans commencement et sans fin. Après avoir imaginé la sphère parfaite il faut donc en faire éclater les limites. Il faut garder de l'image seulement ce qui nous « oriente vers » et non les propres limitations de celle-ci. Ainsi l'être n'a pas de centre ou de circonférence puisqu'il est sans parties. C'est en quelque sorte pour corriger la tendance à se saisir d'une image pour en faire autre chose qu'un signe que plus tard, en parlant de Dieu comme d'une sphère, on la dira avec un centre partout et une circonférence nulle part.

Revenons sur l'argument. C'est donc parce qu'il possède une limite qu'il est achevé, « semblable à la masse d’une sphère à la belle circularité, étant partout également étendu à partir du centre. ». La sphère est l'image même de la perfection parmi toutes les figures géométriques puisque chaque point de son pourtour est à égale distance du centre, c'est pourquoi c'est elle qui est choisie et non une autre. Les vers suivant montre le caractère homogène de l'être dans un rapport avec la perfection sphérique. La densité de l'être est partout la même comme celle de la sphère parfaite qui ne le serait pas autrement (on doit en effet imaginer qu'une sphère de densité inégale ne sera pas parfaite, ce qui sera le cas en rotation puisqu'elle subira une déformation). Dans la démonstration précédente (vv. 22-24), c'était précisément en raison de cette parfaite similitude avec soi-même que l'être était simple ou indivisible. Le plus ou le moins dont il ne saurait être question ici est à nouveau un plus ou un moins d'être donc un mélange avec un non-être. Il est donc « tout entier, à l'abri des atteintes » c'est à dire d'une simplicité absolue (signes positifs) et sans changements (signes négatifs). « Car étant de tout côté égal à lui-même, c’est semblablement, qu’il touche à ses limites. » Comme pour ce que nous disions de la sphère, que sa densité parfaitement répartie la rend parfaite dans son pourtour, l'absence de non-être dans l'être le rend parfait non seulement en lui-même mais absolument. L'unité ou la simplicité de l'être équivaut à son unicité.

Avant de revenir sur la notion de décision (krisis) et de faire un parallèle avec le dzogchen au terme de cette analyse du fragment VIII (ou de sa partie consacrée à l'être), une première comparaison. Dans le dzogchen aussi nous avons l'image d'une sphère pour représenter l'état de Samanthabadra (le Bouddha primordial) ou dzogchen, on utilise en effet le terme de « Thigléchenpo ». « Thiglé » vaut ici pour une sphère lumineuse et « chenpo » pour indiquer sa totalité ou sa perfection.

L'état de dzogchen tout comme l'être parménidien est donc aussi comparer à une sphère parfaite en raison de sa simplicité.

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