« Restant et le même et dans un même
Car une puissante Nécessité le retient dans les liens d’une limite qui l’enferme de toute parts, aussi est-ce règle établie que ce qui est ne soit pas dépourvu d’achèvement.
En effet il est sans manque; s’il était sujet au manque, il manquerait de tout. » (vv.29-33)
Ces vers ne concernent plus le mouvement mais l’altération. La démonstration est donc toujours celle du « sans frémissement » non plus dans une absence de changement d’emplacement mais de composition. Le lieu ou l’endroit dont il est question c’est encore l’être puisque nous avons vu (dans le post précédent) qu’il est inspatial comme intemporel. Le « ici » que nous avions posé parallèlement au « maintenant » n’est qu’une manière de l’appréhender, il n’est pas corrélatif à un « ailleurs » dans une étendue, pas plus que ne l’est le « maintenant » à un moment passé ou futur.
Il est donc par lui-même et en lui-même en restant le même.
La Déesse en donne comme raison « une puissante nécessité qui le retient dans les liens d’une limite qui l’enferme de toute part ». On en revient donc à la double décision que nous avions déjà rencontrée dans le vers précédent. Car les « bornes » là-bas ou « limites » ici sont les mêmes.
En effet la décision est toujours présentée comme nécessaire, par exemple :
« Or, il a été décidé, ainsi que nécessité il y a, ... » (v. 16).
Encore une fois les caractères d’unicité et d’unité (qui découlent directement de la double décision) vont permettre d’expliquer l’argument.
La simplicité de sa composition empêche absolument tout germe de corruption (ou de non-être) en lui. Aucun non être non plus pour l’infecter de l’extérieur puisqu’il est absolument seul. Toute possibilité d’altération est donc écartée, il reste le même en lui-même et par lui-même.
Contrairement aux cinq genres platoniciens, le même et l’autre sont ici synonymes d’être et de non être et non pas deux formes indépendantes. L’altérité parménidienne est le contraire de l’être. Les autres possibilités sont donc écartées facilement : l’être dans un non-être, le non-être dans l’être, le non-être dans le non-être. « Dans » vaut pour le commencement ou la fin de l’altération, on peut aussi le remplacer par « vers » pour signifier l’altération : l’être vers un non-être, le non-être vers l’être, le non-être dans le non-être. Le raisonnement n’est pas modifié, l’être excluant le non-être celui-ci ne peut faire l’objet d’un commencement, d’une fin ou d’un changement.
Que l’être soit en lui-même ne signifie pas qu’il se dédouble entre en contenant et un contenu, ce n’est qu’une manière de réfuter les autres cas. Le fait qu’il soit par lui-même ne doit pas non plus nous faire penser pouvoir distinguer une causalité qui lui serait propre. Aucun discours à son sujet ne le concerne ce n’est qu’une manière pour nous de l’appréhender. En l’occurrence pour dire qu’il ne peut subir aucune altération venant de lui-même (puisqu’il est en lui-même) ou d’un autre (étant par lui-même).
Le fait qu’il soit « dans les bornes de liens énormes » ou « dans les liens d’une limite qui l’enferme de toute part » signifie, selon les propos de la Déesse, qu’il n’est pas sans achèvement. Cette sorte de limitation n’est donc pas contradictoire avec son illimitation, ou le fait qu’il soit « sans terme » ou sans commencement et sans fin.
« En effet, il est sans manque, s’il était sujet au manque il manquerait de tout. » Car le moindre manque serait pour lui un mélange avec un non-être or la première décision exclu ce mélange. Ce caractère sans manque ou tout entier montre par là son incorruptible perfection.
On en revient donc toujours au même point. Celui de la double décision de la Déesse dans laquelle surgissent et se résorbent les arguments.
Son illimitation est le signe d'une absence de changement dans le temps (naissance et mort) et dans l’espace (mouvement). Sa limitation signale son absence de changement dans sa composition (altération).
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